Pourquoi l’art nous fait du bien

Nous croyons que l’art n’est pas pour nous ? Nous le pensons superflu, sans utilité pratique dans nos vies ? Pourtant, il nous tend les bras pour notre plus grand bonheur. Voici pourquoi.

Face à une peinture, une sculpture, une musique, un poème… notre cerveau sécrète de la dopamine, l’hormone du désir et du plaisir présente dans l’état amoureux. La preuve tangible que l’art peut contribuer à notre bien-être, qu’il n’est pas un luxe mais une nécessité. Il nous réconcilie avec l’humanité, dans ce qu’elle a de meilleur (parfois, on en a bien besoin !). A condition cependant de ne pas nous imposer un « devoir de culture » en écumant les expositions, les concerts ou les pièces de théâtre qu’il « faut voir ». Mais plutôt en nous fiant à notre intuition, en allant vers l’art qui nous attire, dégagés de nos a priori, et libres d’en profiter.

Il aide à mieux se connaître

Fréquemment, l’art nous cueille par surprise : nous trouvons belle une œuvre dont nous n’imaginions pas qu’elle pourrait nous toucher. « Comme un catholique convaincu qui tombe en extase en lisant L’étranger de Camus, roman décrivant pourtant un monde absurde… » sourit le philosophe Charles Pépin*. « L’art nous permet de nous découvrir beaucoup plus multiples et complexes que prévu. Il nous conduit à sortir de nos crispations identitaires en nous révélant à nous-mêmes plus ouverts et plus riches » poursuit-il. « Quand une œuvre nous saisit, nous vivons avec elle une vraie rencontre, comme avec un être humain. Comme toute rencontre, elle a sur nous un effet de transformation et de découverte de soi. A travers cette expérience esthétique, nous prenons conscience d’émotions singulières et personnelles insoupçonnées, nous affirmons notre personnalité » estime Thierry Delcourt, psychanalyste**.

En pratique… Face à une œuvre qui nous parle, éliminons la question du « pourquoi je la trouve belle ». Explorons plutôt nos émotions à travers la question du « qu’est-ce que je ressens, qu’est-ce qu’elle me fait au fond de moi ». Multiplions les occasions de nous frotter à l’art, à tous les arts, dans les lieux de culture (en osant pousser la porte d’une galerie) mais aussi hors les murs (en s’intéressant au street-art présent dans les espaces publics).

Un chamboulement émotionnel qui nous apaise

L’art ce n’est ni bien ni mal, ni vrai ni faux, c’est simplement beau. En cela, il est reposant : il n’est pas censé susciter des questionnements existentiels, seulement des émotions qui nous font du bien. « Lorsqu’on s’écoute et qu’on se fait confiance – je trouve ça beau et je n’ai aucun doute là-dessus – s’ensuit un sentiment d’harmonie, d’unité et de cohérence en nous. Cela nous offre un moment d’accalmie dans le tumulte de l’existence » souligne Charles Pépin. Parfois aussi, l’expérience esthétique est plus agitée et presque dérangeante. « On peut ressentir un emballement émotionnel devant une toile ou en écoutant une musique, presque une déchirure. Mais sortis de là et de ce temps de fragilité, nous nous sentons apaisés et libérés » décrit Thierry Delcourt.

En pratique… Pour bénéficier de cet apaisement ou de cette catharsis, n’intellectualisons pas trop notre rapport aux œuvres, ne cherchons pas d’emblée à savoir qui les a réalisées, à quelle époque, selon quels codes. Laissons-nous faire, laissons-nous porter. On peut par exemple visiter une expo deux fois, d’abord sans l’audio-guide en s’écoutant soi, puis avec si l’on veut acquérir certains savoirs sur l’art.

Il donne envie de partager

« Paradoxalement, alors que l’art est profondément subjectif – il nous fait éprouver des émotions très personnelles – il allume en même temps en nous un fort désir de partager notre plaisir avec autrui. Comme si en asseyant davantage notre singularité, il nous donnait une plus grande aptitude à faire avec l’altérité » note Thierry Delcourt. « Le fait de ressentir cet élan vers les autres nous rassure sur notre capacité à partager. C’est énorme dans notre époque profondément relativiste où les désirs et envies de chacun sont quasiment sacralisés au détriment de l’intérêt général ! » insiste Charles Pépin.

En pratique… N’hésitons pas à échanger nos points de vue avec d’autres sur une œuvre. Même si nous avons l’impression de ne pas posséder les mots, même si nous ne sommes pas d’accord. Une œuvre nous plaît tout particulièrement ? Achetons-la en carte postale, faisons-en une photo et envoyons-la à ceux que nous aimons. Si elle nous a fait du bien, peut-être leur en fera-t-elle aussi…

Isabelle Gravillon

Article paru dans Femme Actuelle

* Auteur de « Quand la beauté nous sauve », éd. Robert Laffont.

** Auteur de « Créer pour vivre, vivre pour créer », éd. L’âge d’homme.